James Randi et l’art de plier les objets par la pensée

VIDÉO

James Hamilton Randall Zwinge est mort le 20 octobre 2020. Il était connu – un peu partout dans le monde – sous le nom de James Randi et il était un magicien illusionniste et un incroyable démystificateur.

Le lecteur trouvera par ailleurs sa biographie. Ici nous voulons en quelques mots rappeler sa contribution à l’éducation de l’esprit critique.

James Randi s’est en effet fait connaitre, entre autre, pour sa capacité à démonter les prétendus pouvoirs psychiques exceptionnelles de personnages tels que Uri Geller. Alors que Geller prétendait avoir la capacité de plier cuillères et clés par la seule force de sa pensée (en se basant sur le mythe selon lequel les gens n’utilisent que 10% de leur cerveau, alors que lui était capable de débloquer le restant 90%: – un mythe, un mieux : un neuromythe depuis bien démonté), Randi reproduisait ses performances avec la seule force… de ses doigts. Il montrait ainsi au public stupéfait que les soi-disantes performances exceptionnelles de Geller n’avaient en fait rien d’exceptionnel car elles pouvaient être expliquées par des moyens plus simples et parfaitement en accord avec nos connaissances sur l’esprit (et la physique).

C’était là l’un des modus operandi les plus classiques de James Randi face à “l’extraordinaire” : chercher à comprendre, par l’investigation, la patiente reproduction des conditions, si cet extraordinaire ne pourrait pas être finalement expliqué par des lois connues. Et ainsi éliminer la nécessité de recourir à des explications très coûteuses en termes de création de nouvelles connaissances. Certains appellent ce modus operandi “le rasoir d’Ockham” : inutile de tout remettre en cause ou de chercher des explications improbables, quand des explications bien plus simples (et en phase avec nos connaissances) suffisent.

Vous trouverez ce principe également décrit sous le terme de “principe de parcimoinie” – et nous vous renvoyons aux précieuses et claires explications qu’en font les collègues de curiologie.org, cortecs.org, Hygiène mentale (à propos des affirmations extraordinaires et des limites à l’ouverture d’esprit).

Pour ceux qui n’ont jamais vu James Randi à l’œuvre, difficile de vous conseiller la meilleure de ses performances, heureusement largement consignées en vidéo. Nous vous suggérons donc en vrac les quelques vidéos suivantes.

L’affaire Benveniste

L’autre force de James Randi consistait à démasquer les tromperies – celles liées au paranormal (opérations chirurgicales miraculeuses, convocation des esprits, miracles) ou à des pseudo-sciences. C’est ainsi qu’en 1988, Randi – accompagné de John Maddox (alors éditeur en chef de la revue Nature) et de Walter Stewart (scientifique, expert en fraudes) – s’engage dans le cadre de l'”affaire Benveniste”. Le but du trio était de chercher à répliquer – dans le laboratoire même de Jacques Benveniste – les résultats apparemment extraordinaires obtenus par ce dernier à propos de la “mémoire de l’eau”. Ces résultats que la revue Nature avait décidé de publier (mauvaise idée?) en demandant à Benveniste de se soumettre à des “vérifications”. Randi chercha notamment comprendre par quels moyens de tels résultats auraient pu être obtenus sans faire l’hypothèse que l’eau garde une sorte de trace des substances avec lesquelles elle est entrée en contact une fois que celles-ci ont été diluées, au point qu’aucune de leur molécules ne peut plus y être détectée. Les résultats obtenus par Benveniste ne furent pas répliqués, incitant la recherche de biais dans les protocoles employés et dans les analyses statistiques.

S’émerveiller par la science

Plus généralement, la mission que Randi s’était donnée était à la fois simple et bien délicate : permettre au citoyen fasciné par l’extraordinaire (ou à la recherche de confort, de soutien et d’un peu de mystère) d’apprendre à s’émerveiller de la compréhension scientifique et fondée des phénomènes. L’attitude qui consiste à se demander : “Est-ce plausible à la lumière de mes connaissances?” est à la base de l’exercice de l’esprit critique et de la vigilance face aux informations que nous recevons et aux opinions que nous formons. Ce réflexe, pour s’exercer correctement, demande une base de connaissances solides, permettant de ne pas considérer comme plausibles des explications qui ne le sont pas. Les connaissances que nous fournit l’éducation – sur la nature, notre histoire, notre culture et sociétés – ont donc un rôle majeur à jouer dans notre vigilance et dans notre esprit critique.

James Randi a montré qu’une telle attitude et un goût pour la résolution – par la science – de mystères apparents peuvent devenir une source de plaisir et se transformer en spectacle.

Nous aimons donc lui rendre hommage. Ceux qui le souhaitent pourront tourner la tête vers le ciel en cherchant à apercevoir Asteroid 3163 Randi, nommé en 1981 en son nom.


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