Mythe n°7 – L’esprit critique ne nécessite pas de connaissances
L’esprit critique est souvent associé à une capacité à reconnaître des arguments fallacieux ou des inférences mal construites. Il est aussi perçu comme une capacité à résister à ses propres biais de raisonnement (voir Mythe n°2). L’esprit critique ne dépendrait donc que de capacités logiques ou argumentatives qui assureraient une détection des erreurs dans un exposé (fût-il le nôtre). Il s’agirait donc d’une capacité « générale », gommant l’idée que l’exercice de notre d’esprit critique puisse être dépendant du contenu et du contexte dans lequel il s’exerce.
En réalité, l’esprit critique dépend fondamentalement de nos connaissances.

Elles sont indispensables pour mobiliser nos outils de raisonnement et pour bien penser : plus nous avons de connaissances, plus il nous est possible d’exercer notre esprit critique. Inversement, lorsque nous disposons de moins de connaissances, nous sommes plus superficiels dans notre capacité d’analyse des informations, et notre esprit critique est donc rendu vulnérable. Nous sommes même d’autant plus confiants en nos connaissances que celles-ci sont fragiles (on appelle cela « l’effet Dunning-Kruger »). Exercer notre esprit critique dépend donc largement du fait de posséder des connaissances sur le sujet en question.
Comprendre par l’exemple
Imaginez-vous lire sur un site web que : « Notre capacité à faire attention est inférieure à celle d’un poisson rouge à cause des écrans. » Immédiatement, vos systèmes de vigilance entreraient en action : est-ce qu’il s’agit d’une information à retenir, à diffuser ? Elle a l’air intéressante, et pertinente. Mais est-elle plausible ?
Le fait est que, pour juger de la plausibilité d’une telle information, il est nécessaire de posséder quelques connaissances en matière d’attention. Mobiliser ces connaissances vous permettrait de mieux calibrer votre confiance mais aussi de chercher des informations supplémentaires de manière plus ciblée. Posséder des connaissances dans le domaine signifie aussi savoir qui sont les experts, quelles sont les sources fiables pouvant être consultées pour en savoir plus – dans ce cas, des sites universitaires ou de laboratoires de recherche en cognition humaine et animale. Peut-être qu’au bout de vos recherches, vous tomberiez sur des opinions contrastées. La tâche deviendrait ardue. Le problème est que, pour départager deux positions basées sur des méthodes éprouvées, il faut posséder des connaissances encore plus avancées.
Or, nous ne pouvons pas devenir des experts en tout De très nombreuses fois, nous devrons nous contenter de nous arrêter là où nos connaissances le permettent et déclarer que nous n’avons pas assez d’éléments pour nous prononcer avec confiance envers une thèse ou une autre. Cependant, cet exercice nous apprend l’importance de nous doter de connaissances solides et expertes et leur valeur dans notre capacité à évaluer une information. Il serait donc intéressant, pour chacun d’entre nous, d’essayer, sur un sujet, d’aller jusqu’au bout pour nous rendre compte à quel point des connaissances fines peuvent nous aider à mieux raisonner.