Mythe n°6 – L’esprit critique c’est avoir l’esprit ouvert
Nous aurions du mal à penser que faire preuve d’un esprit ouvert puisse être négatif d’une quelconque manière. Respecter l’autre et ses idées, et être capable de changer d’idée, devrait certainement faire partie des compétences du bon penseur critique. En réalité, le problème avec le fait de rester ouvert, c’est que nous pouvons ne plus savoir quand il faut s’arrêter. Devons-nous, par exemple, remettre en question une idée parfaitement solide, simplement parce que quelqu’un n’est pas d’accord ? Devons-nous faire l’effort de considérer toutes les idées comme légitimes, alors qu’une partie d’entre elles sont soutenues par des preuves objectives ?

Comprendre par l’exemple
Une personne qui chercherait à se forger une opinion sur le fait que l’Homme ait effectivement marché sur la Lune pourrait vouloir être le plus ouvert possible à toutes les preuves et informations disponibles. Ce faisant, elle se mettrait à accorder autant de valeur aux données fournies par des sites officiels, comme celui de la NASA, et à celles lues sur des forums ou des blogs et délivrées par des inconnus. Être « ouverte » de manière non ciblée l’amènerait à se construire une vision biaisée de la réalité, à accepter un doute généralisé.
D’une manière similaire, un enseignant pourrait vouloir, dans un souci d’ouverture, exposer la diversité des points de vue autour d’une théorie, par exemple enseigner le darwinisme tout en présentant le créationnisme ou le lien entre les activités humaines et le changement climatique, tout en parlant d’autres causes pourtant démenties depuis. Il placerait ainsi sur le même plan une théorie fondée sur des preuves et une thèse invalidée sur la base des faits disponibles.
Le fait est que toutes les idées ne se valent pas : certaines idées méritent plus notre confiance que d’autres, car elles sont soutenues par des preuves en quantité plus importante et de meilleure qualité. Ainsi, tout comme il n’est pas justifié de douter de tout, nous ne pouvons pas considérer a priori que toutes les idées se valent.
Il existe un risque supplémentaire à adopter une idée d’ouverture d’esprit globale (ou à inciter d’autres à le faire) : celle de nourrir la tentation de continuer à chercher des informations à l’infini, sans jamais parvenir à adopter un point de vue. Nous devons, au contraire, savoir nous arrêter dans notre recherche d’informations, et admettre que, à un instant donné, certaines informations sont plus soutenues que d’autres, et donc plus légitimes de notre confiance.