Prendre conscience des biais qui affectent nos observations et influencent nos conclusions (et se donner les outils pour les éviter)
Dans notre vie quotidienne, tous les événements n’attirent pas notre attention de la même manière et certains sont plus faciles à mémoriser que d’autres. Ainsi, nous sélectionnons forcément, et même sans le vouloir, les observations qui nous serviront à concevoir nos opinions.
Faites-le vous-même
Un ami souhaite réaliser un sondage pour déterminer le candidat qui devrait remporter l’élection à venir dans votre entreprise. Impossible toutefois d’interroger tous les salariés. Il a donc recours à un échantillon. Pour mener à bien son projet, votre ami décide donc de sonder les collègues avec lesquels il mange tous les midis. À l’issue du sondage, il déclare : « C’est sûr, c’est Éric qui va être élu. »
Êtes-vous d’accord avec cette affirmation ? À quel point lui faites-vous confiance ?
Débriefing
Plusieurs éléments rendent difficile de se prononcer. Nous ne connaissons pas, notamment, le nombre de collègues sondés et de personnes qui devront participer au vote. Mais, dans tous les cas, votre ami aura commis une erreur qui empêche d’accorder une confiance élevée à sa conclusion. En effet, si tous les membres qui déjeunent avec lui font partie de son groupe d’amis proches, il y a de bonnes raisons de penser que l’échantillon est biaisé. Il y a de fortes chances pour que des personnes du même âge, sexe ou milieu social partagent la même vision politique, et celle-ci ne sera pas forcément représentative du reste de l’entreprise.
Dans la vie quotidienne, il est très difficile de se placer dans des conditions où nos observations ne sont pas biaisées.
Si on pense qu’il pleut plus fréquemment après que l’on a lavé les vitres ou que le professeur fait toujours des interrogations surprises les jours où on ne connaît pas sa leçon… c’est sûrement que nous sommes enclins à considérer plus en détail les jours où notre « intuition » s’avère juste, plutôt que les autres.
De même, lorsque nous effectuons une recherche d’informations sur Internet ou que nous évaluons la justesse d’un argument avancé par autrui, nous avons tendance à préférer et à évaluer plus positivement les informations et les arguments en cohérence avec nos opinions et croyances préalables. Nous agissons ainsi sans forcément le réaliser.
Ce que font les scientifiques
Les scientifiques ne peuvent pas se contenter de prendre conscience du risque de se tromper. Leur volonté est d’arriver à une connaissance aussi objective que possible des phénomènes qu’ils étudient. C’est pour cela qu’ils mettent en place un véritable arsenal de stratégies leur permettant de limiter les influences indésirables sur la sélection des données.
On peut classer ces stratégies en deux grandes catégories : suffisamment multiplier les observations pour espérer qu’elles ne soient pas biaisées (dans l’exemple initial, cela revient à sonder un grand nombre de salariés) et/ou réaliser des observations systématiques (dans l’un des exemples cités, cela revient à considérer les jours de pluie de manière régulière et pas seulement après le lavage des vitres).
Ainsi, des écologues qui auraient pour mission de repérer les milieux favorables à une espèce devraient se pencher sur tous les types d’environnements existants, sans exclure ceux qui sont le moins susceptibles d’accueillir les animaux concernés ou ceux qui sont plus difficiles d’accès, par exemple. Se focaliser uniquement sur les bords de forêts près des routes induirait forcément un biais. Pour l’éviter, les chercheurs vont définir aléatoirement un certain nombre de points d’observation et ainsi prospecter de façon aussi homogène que possible (ou alors, ils en tiendront compte dans leurs analyses).
Pour éduquer l’esprit critique
Raisonner à partir d’observations biaisées est très fréquent dans la vie quotidienne. On peut évoquer ce point en science, lorsque l’on explique comment les scientifiques s’assurent d’étudier des échantillons représentatifs des objets ou des populations étudiés. En montrant l’importance de la phase de conception du protocole, on peut expliquer aux élèves que tous ces procédés mis en place par les scientifiques ont justement pour objectif de ne pas tirer de conclusions à partir de quelques observations spontanées ou choisies de manière orientée.
Des exemples variés, dans un contexte moins « scientifique », peuvent servir de prétextes à un travail interdisciplinaire. Ainsi, est-il vrai que la tartine tombe toujours du mauvais côté ou que l’enseignant fait plus d’interrogations les jours où on n’a pas révisé ?
Le cours d’EPS se prête également à faire prendre conscience que nous sélectionnons involontairement un certain type d’observations et de données lorsque nous évaluons les prestations d’un athlète ou d’une équipe. Par exemple, on peut facilement surestimer les performances du sportif si on ne prend en compte que ses actions réussies, plutôt que les erreurs commises ou les occasions manquées.
Les cours d’histoire seront l’occasion de montrer combien il est important de ne pas se baser sur les témoignages d’une seule partie ou d’un seul camp pour comprendre un événement dans toute sa complexité.
En littérature, on pourra travailler sur des récits multiples, où plusieurs personnes ou points de vue s’expriment sur un même fait. On mettra ainsi en évidence comment chacun peut avoir tendance à sélectionner certains aspects de l’événement et, par conséquent, à en faire un récit qui ne correspond pas à celui des autres.
Activités pour la classe
- Séquence : Menace sur la biodiversité ? (à partir du cycle 4)
- Séquence : Bons et mauvais arguments (à partir du cycle 4)