Prendre en compte la nature complexe des relations causales
La cause d’un phénomène est ce qui participe à le produire. Nous raisonnons en permanence en termes de causes. Nous cherchons ainsi à expliquer pourquoi la lampe ne marche pas, pourquoi nous sommes tombés malades. Beaucoup des connaissances que nous avons et que nous mobilisons reposent sur des relations de cause à effet déjà assimilées. Ainsi, nous savons qu’en ouvrant la fenêtre (cause), la température de la pièce va diminuer (conséquence). Cependant, les choses ne sont souvent pas aussi simples et un même phénomène peut en réalité être expliqué par une combinaison de causes.
Faites-le vous-même
Dans le cadre d’une étude scientifique, le Muséum national d’Histoire naturelle s’intéresse aux interactions entre la perruche et d’autres espèces. On peut par exemple y lire les affirmations suivantes :
- En présence de la perruche, le temps cumulé passé sur les mangeoires par toutes ces petites espèces est diminué de 180 secondes en moyenne sur les cinq minutes que dure une partie. Par « petites espèces », le scientifique fait notamment référence aux mésanges, bleues et charbonnières.
- On s’aperçoit que la tourterelle, la pie et la perruche font toutes les trois diminuer la probabilité de la présence de certaines espèces comme la mésange charbonnière […], mais la tourterelle fait davantage fuir la mésange charbonnière que la perruche et la pie, alors que la mésange bleue semble pâtir tout autant de la perruche, la tourterelle et la pie.
- Lorsque les mésanges charbonnières et bleues quittent une mangeoire au moment où arrive la perruche, la mésange bleue est la première à revenir vers les graines. Elle s’octroie ainsi un peu de temps pour manger sans être concurrencée par la charbonnière dont on sait qu’elle peut se montrer agressive […].
Décrivez (sous la forme de votre choix) l’ensemble des relations de cause à effet déterminées par les scientifiques… Bonne chance !
Débriefing
Il est ici facile de se rendre compte que le moindre phénomène peut être délicat à expliquer.
Nous avons généralement tendance à expliciter les phénomènes que nous observons simplement, en privilégiant souvent une cause unique. « C’est la perruche qui fait fuir tous les oiseaux du jardin » est un discours que nous pourrions plus facilement adopté, au détriment de « Il existe une diversité de causes qui expliquent la diminution des oiseaux dans mon jardin. L’une d’entre elles pourrait être… ». La formulation de l’énoncé nous invite à être prudents car on nous donne toutes les interactions causales ; mais, la plupart du temps, cette complexité reste difficile à réaliser.
Ce que font les scientifiques
Les scientifiques ne se contentent pas d’observer un effet et de le rapporter à une cause, mais s’efforcent de tenir compte des différentes variables en jeu et d’évaluer le poids de chacune dans la production du phénomène. Ils peuvent représenter leur compréhension du système par des diagrammes permettant de visualiser l’ensemble des relations entre variables dans un modèle causal. Typiquement, un diagramme causal comporte des variables reliées entre elles par des liens représentés par des flèches. Les liens entre les nœuds et la direction des flèches permettent d’identifier la relation de cause à effet représentée.
Dans l’exemple initial, cela donnerait :
Il s’agit principalement de trois relations causales d’inhibition (la perruche diminue la présence des mésanges charbonnières et bleues sur les mangeoires, et la mésange charbonnière limite la présence des mésanges bleues). Mais l’étude suggère que la perruche pourrait avoir un effet plus négatif sur la mésange charbonnière que sur la bleue… Si cet effet est suffisamment fort, il pourra finalement se révéler positif pour la mésange bleue.
Un phénomène peut donc avoir plusieurs causes… et effets ! Et un phénomène peut être la cause et la conséquence… d’un même phénomène.
Pour éduquer l’esprit critique
Négliger la complexité des causes pouvant expliquer un phénomène peut avoir une incidence au-delà du seul cadre scientifique. Nous avons déjà entendu des raccourcis du type : « Tous les problèmes économiques du pays s’expliquent par cette cause… » Il peut être tentant, lorsqu’on explique un phénomène, d’écarter la plupart de ces causes, et de ne se focaliser que sur une seule. On formule ainsi naturellement des explications simples, séduisantes, faciles à retenir et à exposer, en ce qui concerne des phénomènes en réalité complexes. Maints exemples peuvent ainsi être évoqués : est-ce que l’intelligence ou le talent dans un domaine donné sont plutôt l’effet de prédispositions génétiques ou de l’environnement et de l’expérience ? Le débat (ancien) « nature contre environnement » est simplement mal posé, car on cherche une cause unique pour des phénomènes dont les sources sont en réalité multifactorielles. Les explications désignant un seul facteur sont souvent simplistes et insuffisantes. Sensibiliser à la complexité des phénomènes naturels est indispensable pour construire – et adopter – une attitude humble et éclairée, face aux questions de société.
Il sera donc utile de travailler cette notion dans toutes les disciplines, en choisissant des questions neutres (la croissance des plantes, la performance sportive…) ou des thématiques plus complexes (le déclenchement d’une guerre, une crise financière…). Dans tous les cas, on insistera sur la nécessité d’une attitude prudente, qui ne se satisfait pas de la première explication venue, soit en refusant un discours simpliste, soit en menant des recherches pour trouver d’autres causes possibles.
Activités pour la classe
- Séquence : Les machines de Rube Goldberg (à partir du cycle 2)
- Séquence : Une course contre la montre – Activité 1 (à partir du cycle 4)
- Séquence : Une course contre la montre – Activité 2 (à partir du cycle 4)