Faire appel à des critères d’identification

Identifier signifie associer un certain objet ou phénomène à une catégorie. Reconnaître ce même objet ou phénomène veut dire l’assigner à une catégorie connue. Cela permet de distinguer, mais aussi de mettre en relation objets et phénomènes (à l’intérieur d’une même catégorie ou entre catégories). Il s’agit d’une compétence si évidente que nous ne réfléchissons que rarement à son fonctionnement.

Faites-le vous-même

Trouvez les visages portant des lunettes dans les images suivantes !

Maintenant trouvez les loups parmi les photos ci-dessous.

Débriefing

Inutile de donner la solution du premier défi, car identifier des objets simples est une fonction cognitive que chacun mobilise dans son quotidien de manière très efficace et efficiente. Au point que de telles tâches ont été exploitées pour différencier les utilisateurs humains d’éventuels robots : ce sont les fameux « Captcha ».

Pour le second défi, les choses sont plus compliquées. Les deux photos situées à gauche représentent des chiens-loups, celles de droite des loups. Il est possible que des indices saillants (l’allure imposante de l’animal en bas, à gauche, ou le fait qu’il marche dans un paysage qui semble sauvage) aient guidé à tort votre interprétation.

De nombreux éléments perturbent l’identification d’objets nouveaux ou rares. Tout d’abord, le manque de connaissances et de critères pour orienter avec pertinence la description. Connaissances et critères permettent en effet de guider le regard vers des indices réellement distinctifs de l’objet observé et de ne pas se concentrer sur des aspects plus évidents, mais non significatifs.

Dans notre quotidien, nous n’adoptons que rarement des critères explicites pour identifier les objets qui nous entourent. Nous nous contentons de les attribuer à des catégories relativement grossières (un oiseau, un arbre, un chou), car elles nous suffisent pour associer des objets à leurs propriétés (dangereux, comestibles, froids…). Notre façon de catégoriser n’est en effet pas dictée par une volonté abstraite d’acquérir des connaissances, mais par des exigences pratiques.

Ce que font les scientifiques

L’observation est souvent la première étape de toute investigation scientifique : le suivi des populations animales, les prévisions météorologiques, l’étude des phénomènes climatiques, l’identification de nouveaux objets astronomiques… Toutes ces démarches scientifiques s’appuient sur la capacité d’identifier de manière rigoureuse l’objet de l’étude. Les scientifiques se dotent alors d’outils, de critères et de méthodes pour parvenir à réduire les erreurs qu’ils pourraient commettre. Ces critères sont établis à l’avance. Ils intègrent les connaissances que les scientifiques possèdent en amont et prennent en compte les sources de confusion qui pourraient induire en erreur.

Une histoire de science

Déceler la présence de loups dans la nature est un exercice délicat, car ce sont des animaux discrets, se déplaçant sur de vastes territoires à faible densité. En outre, il est possible de confondre un loup avec un chien. La démarche qui conduit à l’identification d’un loup dans la nature est donc longue et très structurée.

Les scientifiques commencent par constituer des groupes d’experts préparés à l’identification de traces de la présence de l’animal. Cet entraînement passe notamment par la prise de connaissance des différences significatives entre une trace laissée par un loup et celle laissée par un animal de la même famille – chien, renard –, avec lequel on pourrait le confondre : on prend en compte la marque d’une empreinte dans la neige, sa taille, la distance entre deux empreintes, le tracé de l’animal. Tous ces critères sont extraits des connaissances que les scientifiques ont accumulées sur la physiologie et le comportement de l’animal, en le comparant à celui d’autres animaux.

Mais cela ne suffit pas encore !

À la manière des experts de la police scientifique, les scientifiques suivent ces traces dans un but précis : récolter des échantillons (poils, sang, fèces…) qu’ils trouvent dans le milieu naturel, afin de les analyser avec une grande précision et des techniques appropriées en laboratoire. Grâce aux outils de la biologie moléculaire, ils extraient les séquences génétiques contenues dans les molécules d’ADN renfermées dans les échantillons. Ils recherchent ensuite des marqueurs caractéristiques du chien ou du loup, et déterminent le pourcentage de chances que l’animal soit l’un ou l’autre, voire un hybride. Une nouvelle fois, cette identification sur la base d’échantillons d’ADN s’appuie sur des critères précis, établis en amont de toute observation.

Pour éduquer l’esprit critique

Recourir à des aides à l’observation est d’autant plus important que la tâche de reconnaissance est complexe et technique – comme dans le cas de l’observation scientifique. Mais ce procédé peut avoir une grande importance aussi dans la vie de tous les jours.

Au quotidien, nous devrions ainsi être capables de reconnaître des informations basées sur des critères objectifs, car elles sont plus fiables et donc plus dignes de notre confiance.

Par exemple, nous entendons souvent parler d’addiction aux écrans. Cependant, le mot « addiction » est un terme qui a une utilisation technique en psychiatrie. Il ne suffit pas, pour parvenir à un diagnostic d’addiction, de constater un usage intensif des écrans, ni une difficulté à s’en passer. En fait, le diagnostic proposé par le manuel psychiatrique auquel se réfèrent les professionnels comporte une longue liste de critères, et au moins une majorité d’entre eux doivent être remplis pour identifier un sujet comme souffrant d’une dépendance (au sens clinique) comportementale. Le recours à des critères précis donne des garanties de fiabilité à nos conclusions.

Lorsqu’il s’agit de se forger une opinion, une telle considération nous aide à distinguer les sources d’information plus ou moins expertes, et donc fiables.

Activités pour la classe