Résoudre des problèmes grâce à des connaissances et une démarche

Lorsque nous sommes confrontés à un nouveau problème, nous mettons en place des stratégies de résolution. Celles-ci gagnent en efficacité si nous sommes méthodiques, et si nous pouvons compter sur des connaissances ou des expériences préalables, dans des situations analogues. Il est cependant difficile d’utiliser ces analogies à bon escient, en évaluant leur pertinence au regard de la situation présente.

Faites-le vous-même

Essayez de résoudre les problèmes suivants :

1) Le problème du général

Un général est posté devant une forteresse dont les rues sont parsemées de mines. S’il lance ses soldats en masse dans les artères ainsi piégées, les mines exploseront certainement. Comment le général va-t-il résoudre ce problème difficile ?

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Réfléchissez quelques instants avant de lire la solution ci-dessous

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Voici sa solution : il divisera ses troupes en petits groupes, qui parcourront les rues séparément et convergeront vers la forteresse. Comme ils ne passeront pas tous ensemble au même endroit, au même moment, ils risqueront moins de faire exploser les mines.

2) Le problème du chirurgien

Un chirurgien se trouve face à un dilemme. Son patient souffre d’un cancer de l’estomac. Seule une dose massive de radiations pourra permettre de détruire la tumeur. Mais, hélas, à leur passage, ces dernières détruiront aussi les tissus sains… Comment le chirurgien va-t-il résoudre ce cas difficile ?

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Réfléchissez quelques instants avant de lire la solution ci-dessous

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Nous n’allons pas vous donner la solution, mais un indice ! Ces deux problématiques, malgré leur apparente différence, sont en réalité analogues. Les deux personnages sont confrontés à l’impossibilité de permettre à une quantité nécessaire d’éléments (soldats ou radiations) d’atteindre en une seule fois une cible donnée (la forteresse et la tumeur).

Débriefing

Le problème du chirurgien est un cas difficile. Seuls 10 % environ des gens testés trouvent la solution. Toutefois, si on leur présente avant le problème du général, sans rien leur dire de plus, ce chiffre passe à 30 %. Si on fait remarquer l’analogie des deux énigmes de manière explicite, le taux de réussite dépasse alors 90 % ! Alors, que nous apprend ce test sur notre fonctionnement ?

Résoudre des problèmes fait partie de nos tâches quotidiennes (par exemple, définir un trajet pour nous rendre à un point précis). Cependant, nous devons compter avec diverses contraintes, notamment de temps et de moyens, qui restreignent notre champ des possibles (impossibilité de prendre certains transports en commun, selon la situation). Nous devons alors mobiliser nos connaissances (du terrain, de nos performances, des outils à disposition…) pour lever ces obstacles. Nous pouvons aussi nous appuyer sur des stratégies déjà employées par le passé ou sur des solutions à des problématiques que nous reconnaissons comme similaires à celle à laquelle nous sommes confrontés.

La principale difficulté (au-delà de l’absence de certaines connaissances) réside dans notre capacité à percevoir l’analogie entre le présent problème et tous ceux que nous avons déjà rencontrés (et résolus) dans notre vie. Dans le cas du général et du chirurgien, l’analogie ne saute pas aux yeux, si bien que, sans explicitation, la part de succès est bien inférieure. À chaque âge, percevoir l’analogie des problèmes est l’un des principaux obstacles de l’apprentissage, car notre attention est captée par les contextes proposés (l’un militaire et l’autre médical, dans notre exemple initial).

Si on vous propose de définir la part égale de gâteau que doivent recevoir trois enfants et de calculer l’argent que trois personnes doivent se partager à la suite de gains communs, vous n’aurez aucun mal à mobiliser les outils mathématiques correspondants (division, proportion). Vous êtes devenus suffisamment experts pour mobiliser ces outils dans des contextes éloignés en apparence. De manière générale, résoudre des problèmes exige une expertise suffisante pour les identifier clairement, en comprendre la structure « profonde » et savoir quel outil mobiliser, et ce, au-delà du contexte.

Par ailleurs, la résolution de problèmes est une tâche qui mobilise souvent beaucoup d’attention. Nous pouvons rapidement nous sentir découragés si une première solution ne vient pas ou ne fonctionne pas. Nous pouvons aussi être amenés à résoudre un problème, en étant soumis à une contrainte de temps ou des émotions fortes. Dans ce cas, il est facile de céder au stress et de tester beaucoup de solutions de façon désordonnée. Pour qu’elle soit efficace, la résolution d’un problème doit être menée de manière réfléchie et réflexive : qu’est-ce que je suis en train de faire ? Avec quel succès ? Pour quelles raisons ? Cela n’est pas toujours possible malheureusement. Mais c’est cet effort qui nous permet d’en tirer un enseignement et de progresser plus rapidement dans la résolution d’une tâche donnée.

Ce que font les scientifiques

Les scientifiques et les experts confrontés à des problèmes adoptent une démarche réfléchie, qui structure leur raisonnement. Ils utilisent en outre des analogies avec des expériences préalables, par exemple, et des connaissances dans des domaines plus ou moins proches.

Leur utilisation de l’analogie est particulière, car les scientifiques se placent à un niveau « profond » pour rechercher des cas analogues pouvant les inspirer, sans s’arrêter à « l’habillage » de la problématique. Cette capacité à exploiter correctement les analogies est favorisée par deux facteurs : le fait de posséder un grand nombre de connaissances, et le fait que celles-ci sont structurées et reliées entre elles.

Lorsqu’on développe une expertise dans un certain domaine, en effet, les connaissances relatives à ce dernier ne se limitent pas à s’empiler les unes sur les autres, mais sont dûment arrangées, connectées, emboîtées, en raison du niveau de généralité de chacune. Et ce, jusqu’à former des catégories et des concepts de plus en plus généraux et abstraits, mais qui prennent en compte les exemples spécifiques rencontrés.

Ce type de structuration des connaissances permet de gagner en efficacité dans la résolution de problèmes (car les connaissances les plus appropriées peuvent être mobilisées plus sûrement et rapidement). Posséder un savoir structuré permet également d’exploiter plus facilement des analogies dans des domaines éloignés en apparence, mais qui présentent des affinités de structure avec celui dans lequel s’inscrit le problème à résoudre. Effectivement, de telles analogies apparaissent uniquement si on les considère d’un point de vue abstrait et restent cachées si on se limite aux éléments les plus superficiels – et, de fait, visibles – du problème .

Une histoire de science

« Houston, we’ve had a problem »

En 1970, la NASA lançait sa mission Apollo 13 vers la Lune. Les astronautes de la mission auraient dû marcher sur le sol lunaire, mais cela n’arriva jamais. En revanche, tous réussirent à rentrer sur Terre, sains et saufs.
Environ 50 heures de vol se sont écoulées sans incident majeur lorsque le capitaine Jim Lovell et ses coéquipiers entendent une explosion : un toit s’effondre, les deux tanks d’oxygène sont touchés, il n’y a plus d’électricité, de lumière ou d’eau. Et, surtout, le taux d’oxygène, qui s’échappe dans l’espace alors que le véhicule est proche de la Lune, diminue. « Houston, we’ve had a problem here. » Le problème, alors, n’est plus de savoir comment descendre sur la Lune, mais comment rentrer sur Terre !
Un travail de groupe commence ; les ingénieurs de la NASA de Houston et l’équipage travaillent de concert. Les astronautes abandonnent finalement le vaisseau pour adapter le module lunaire à la descente sur Terre. Les ressources et les capacités du module sont prévues pour deux personnes et pour deux jours. Trois astronautes devront y séjourner, en se rationnant durant les quatre jours du retour. Le problème principal étant représenté par leurs déchets : à trois, le CO2 s’accumule dangereusement dans le module. Le temps est de plus en plus compté avant que leur environnement à l’intérieur de l’engin ne devienne mortel : 24 heures !
À terre, on s’efforce de trouver une solution pour les aider. Les ingénieurs passent ainsi en revue le matériel présent sur le module et tentent d’imaginer comment l’utiliser au mieux pour tirer l’équipage de ce mauvais pas. Ils doivent donc considérer ces objets sous un angle différent, éventuellement en leur trouvant un usage inhabituel.
Sur les indications des ingénieurs, les astronautes produisent finalement un système permettant d’adapter les filtres d’air du vaisseau principal au nouvel environnement. Il est composé de sacs en plastique, du carton des cahiers de bord, de scotch, de tubes issus des combinaisons des astronautes… Le problème est résolu ! Et même si d’autres difficultés se présenteront avant le retour sur Terre, l’équipage d’Apollo 13 rentrera saint et sauf.
Cette mission est considérée comme un cas exemplaire de la façon dont l’expertise – déployée par toute une équipe – permet de surmonter des problèmes en temps réel : en réenvisageant l’existant de manière inhabituelle et en mobilisant de nombreuses connaissances interconnectées.

Pour éduquer l’esprit critique

Il est utile d’adopter une démarche méthodique à la résolution des problèmes.

La première étape consiste à précisément les définir : un problème trop large, mal défini (par exemple, comment être heureux ?) est impossible à résoudre. Cette première étape est capitale et permet d’entrevoir les possibilités de résolution.

Une stratégie couramment employée consiste à décomposer le problème en sous-problèmes. Trouver le chemin le plus court pour parvenir à un lieu nécessite d’abord de faire le tour des moyens à disposition ; puis de savoir quel trajet chaque moyen emploie ; puis de connaître les horaires de départ, la vitesse de parcours, les incidents potentiels… Chaque partie du grand problème peut ainsi être abordée de façon successive. De plus, on pourra réaliser que certaines questions sont prioritaires, plus urgentes ou, tout simplement, plus importantes à traiter, car elles concernent des facteurs dont l’enjeu est très important ou qu’elles conditionnent les autres questions.

L’étape suivante consiste à lister les contraintes qui s’exercent sur une problématique. Là encore, certaines pourront être négligées si elles sont moins capitales dans le contexte donné.

Il est également indispensable d’acquérir une connaissance suffisante, guidée par des recherches préalables. Formuler une hypothèse impose souvent d’avoir un minimum de connaissances à sa disposition. Il s’agit de s’appuyer sur un raisonnement (« puisque cela est vrai, alors on peut penser que cela devrait fonctionner ») ou sur une analogie (« puisque dans ce cas-ci, cette solution fonctionne, on peut imaginer qu’en la modifiant ainsi, elle devrait fonctionner dans cet autre cas »). Cette phase n’est pas la plus aisée. La bonne solution peut « apparaître » d’un coup, sans que l’on puisse déterminer ce qui l’a favorisée. Cependant, on considère que revenir sur un problème après un temps de repos ou de lectures sur le sujet, ou encore l’aborder en considérant différents points de vue et sur la base d’une argumentation productive peuvent favoriser l’émergence d’une idée.

Il convient ensuite de tester convenablement l’idée apportée. Cette étape suppose une vigilance particulière, sous peine de tomber dans certaines pièges.

La validation ou non de l’hypothèse peut ensuite motiver d’autres observations (pour améliorer la première idée ou pour chercher des solutions alternatives).

Même si on peut isoler certaines étapes, la capacité de résolution de problèmes reste fortement liée à un contexte et à des contenus. Les joueurs d’échec sont très performants pour résoudre des problèmes liés à ce jeu, mais ne le sont pas à la même mesure quand les règles changent. Les scientifiques sont aidés dans la résolution de problèmes grâce à leur maîtrise d’un grand nombre de connaissances, et ce, de façon ordonnée, systématique. Elles sont organisées dans leur esprit et peuvent facilement être mobilisées pour leur permettre de résoudre un problème qui fait écho à d’autres, rencontrés préalablement.

Posséder des connaissances bien structurées est donc un atout important pour venir à bout de problèmes.

Activités pour la classe