Choisir les bons critères d’identification

Pour définir une catégorie, il faut utiliser des critères d’identification, mais pas n’importe lesquels. Comment s’assurer que les caractères mobilisés sont réellement discriminants ? Discriminer signifie en effet séparer, distinguer deux termes ou objets. Des critères discriminants permettent de faire la différence entre deux ou plusieurs choses pouvant, autrement, être confondues.

Faites-le vous-même

Observez ce pigeon biset. Essayez de déterminer les caractéristiques de cette espèce.

Autre photo de pigeon biset :

Une photo de pigeon ramier :

Débriefing

Vous avez peut-être opté, au premier regard, pour la marque blanche sur le bec, le vert au niveau de la nuque, les taches et les deux bandes noires sur les ailes… Ou peut-être que certains de ces éléments vous ont échappé. Tout dépend de l’endroit où s’est posé votre regard, de ce qui vous aura paru saillant au premier abord. Mais pour savoir si vous avez eu raison ou tort, vous devriez faire deux choses : observer d’autres membres de cette même catégorie (espèce), mais aussi de catégories proches ! Or, dans la plupart des cas, on se contente de rechercher un élément saillant que l’on a précédemment vu, sans se demander s’il est bien caractéristique et si on ne le retrouve pas ailleurs.

Ce que font les scientifiques

Pour identifier une espèce, une maladie ou encore un phénomène météorologique, les scientifiques s’appuient sur des critères pertinents et discriminants.

  • Un critère trop restrictif nous amène à exclure à tort de la catégorie des éléments qui devraient s’y trouver. C’est le cas des taches noires sur l’aile de la première photo, qui n’est pas présente chez tous les bisets.
  • Un critère trop large nous incite à considérer comme étant de la même catégorie des éléments qui appartiennent à différents groupes. La marque blanche sur le bec n’est pas, par exemple, caractéristique des pigeons bisets. Et, d’ailleurs, même la forme « pigeon » n’est pas spécifique aux seuls « pigeons », puisque il existe aussi des tourterelles appartenant à la même famille.

Un bon critère est donc un critère partagé par tous les membres d’une catégorie (sauf exceptions), mais qui est absent des catégories similaires. Il permet ainsi une identification correcte : il est discriminant parce qu’il permet de séparer dans deux catégories des entités qui, sous d’autres aspects, sont proches ou se ressemblent.

L’observation scientifique ne peut pas être menée sans connaissances. Si leur absence n’empêche pas de réaliser des descriptions précises, ce sont en définitive les connaissances qui aident à savoir ce qui est important et ce qui est superficiel, et qui permettent de rendre la description plus pertinente et, par conséquent, l’interprétation finale plus fiable. Ceci est d’autant plus évident dans le choix des critères discriminants. Ce choix implique en effet des connaissances multiples qui concernent non seulement l’objet étudié, mais aussi d’autres objets proches.

On constate ainsi l’importance de pouvoir compter sur une vaste base de connaissances pour mener des observations réellement informatives.

Une histoire de science

Le langage scientifique peut parfois paraître déconcertant. Ainsi, ce que l’on nomme « fruit » dans notre assiette ne correspond pas toujours au fruit du scientifique. La tomate ne nous semble pas être un fruit, mais elle l’est pourtant. Inversement, nous considérons que la pomme est un fruit. Or seule la partie se trouvant au centre et contenant les pépins correspond au fruit. Dans la vie quotidienne, on considère qu’un fruit est un aliment sucré d’origine végétale, que l’on consomme cru. Les scientifiques utilisent pour leur part une définition plus objective, qui s’appuie sur des critères anatomiques : il s’agit d’une structure dérivant de l’ovaire de la fleur, qui contient et protège les graines. À partir de ces critères, il est possible de créer une catégorie cohérente et robuste, que les scientifiques peuvent étudier, décrire et comprendre.

Pour éduquer l’esprit critique

Dans la vie de tous les jours, même quand nous nous efforçons d’observer attentivement un phénomène donné et d’adopter des critères pour le décrire, nous pouvons omettre certains éléments pourtant appropriés. Un exemple, extrait de la vie professionnelle des enseignants, concerne l’évaluation des compétences. Utiliser des tests de compétences suppose la mise en place de critères objectifs pour les identifier, plutôt que le recours à des observations subjectives et non guidées. Mais, parfois, sans le vouloir, nous pouvons adopter des critères d’évaluation qui ne permettent pas de discriminer la compétence recherchée, car ils ne sont pas assez spécifiques. D’autres situations du quotidien supposent d’adopter des critères spécifiques pertinents. Lors d’un entretien d’embauche, par exemple, l’assurance du candidat peut être considérée à tort comme un indicateur de compétence. Lorsqu’on porte un jugement sur une personne, enfant ou adulte, on peut être tenté d’utiliser des critères tels que le milieu socio-économique d’origine ou le sexe comme prédictifs de ses comportements futurs. Mais ces éléments ne sont pas assez spécifiques et peuvent ne pas convenir dans le présent contexte.

Faire preuve d’esprit critique implique de se demander si les critères choisis sont bien adaptés à l’objet et réellement discriminants. Notre confiance dans nos jugements sera calibrée en conséquence.

Activités pour la classe