3 – Faire acquérir des compétences transversales
- Comme pour tout apprentissage, le plus grand défi de l’éducation à l’esprit critique est le transfert des acquis à d’autres situations.
- Dans le cas de l’esprit critique, le défi est d’autant plus difficile qu’il s’agit de transférer des compétences entre deux domaines bien différents et cloisonnés dans l’esprit des élèves : les enseignements disciplinaires (dont ceux de sciences) et la vie quotidienne.
- Un temps et un effort particulier doivent donc être dédiés à ce transfert, sans quoi l’enseignement d’un esprit critique ne peut pas être considéré comme abouti.
Chaque enseignant a constaté : « J’ai réexpliqué 10 fois la même chose aux élèves et ils continuent pourtant de se tromper à chaque nouvel exercice. Est-ce moi qui explique mal ou ne font-ils aucun effort ? » Rassurez-vous, ce problème est normal et bien connu : il s’agit de celui du transfert. Le transfert des apprentissages est l’un des défis les plus ardus de l’éducation. Dans le cas de l’esprit critique, ce défi est exacerbé car nous demandons à l’élève d’utiliser ses apprentissages dans un contexte particulièrement éloigné (celui de la vie quotidienne). De plus, notre capacité à exercer un esprit critique dans un domaine est fortement liée aux connaissances que nous possédons dans ce domaine, et le transfert des compétences de l’esprit critique dans un nouveau domaine ne se fait pas spontanément.
En dépit des difficultés, il n’est pas irraisonnable d’espérer développer certains savoir-faire cognitifs de manière générale, au-delà d’un contenu et d’un contexte particuliers. C’est ainsi que l’élève, ayant d’abord appris à lire des textes simples à l’école primaire, est progressivement capable d’étendre cet apprentissage à n’importe quel type de texte écrit (ou presque). Certes, un texte dont le contenu est fortement spécialisé requiert des connaissances spécifiques pour le décrypter, mais la capacité à lire et à comprendre un texte écrit s’est tout de même suffisamment généralisée pour que cela représente un obstacle qu’il peut dépasser. Nous pouvons dire la même chose de l’acquisition de gestes comme ceux qui sous-tendent le dessin, la peinture. Chaque nouvelle technique réclame des compétences spécialisées mais un socle fondamental nous permet d’acquérir ces nouvelles compétences, surtout si nous adoptons une attitude réflexive.
Enseigner délibérément les compétences de l’esprit critique et les connaissances utiles pour les nourrir
- Choisir dans les programmes des connaissances qui se prêtent à l’enseignement d’un outil de l’esprit critique.
- Enseigner l’outil correspondant de manière assumée car il ne peut pas être spontanément compris, généralisé et transféré.
Enseigner pour le transfert
- Enseigner les outils de l’esprit critique en relation avec des cas concrets pour montrer comment ils peuvent être mis en pratique.
- Evoquer le même outil de façon répétée et variée.
- Transférer d’abord à des contextes variés mais proches (dans la même discipline).
- Transférer vers des contextes plus éloignés (exemples issus d’autres disciplines puis inspirés de la vie quotidienne).
- Donner une portée générale par l’explicitation pour favoriser un transfert réflexif et éventuellement aider avec des suggestions, des questions, etc.
- Faire remarquer aux élèves que des problèmes (et leurs solutions !) peuvent être très similaires alors qu’ils sont posés dans des contextes très éloignés.
- Demander aux élèves de reformuler avec leurs propres mots l’outil puis leur demander de chercher dans leur vie quotidienne des exemples analogues à celui découvert en cours.
S’appuyer sur des outils pédagogiques
- Avoir recours à des situations de discussion argumentée, des activités de groupe ou des mises en situation faisant intervenir un adversaire fictif qui adopte des mauvaises stratégies. Tout cela dans le but de motiver l’élève à se questionner sur les arguments et les méthodes d’obtention des preuves qui appuient une idée (dont les siennes).
- Utiliser des outils pour favoriser le transfert : une check-list des outils appris qui servent pour une tâche précise ; des badges ou des cartes qui matérialisent les outils enseignés, et qui peuvent être régulièrement réutilisées pour créer des liens.
Comprendre par l’exemple
Un enseignant de technologie aborde avec ses élèves la notion de résolution de problème. Il veut leur enseigner que celle-ci doit se faire de manière séquencée et ordonnée alors que nous avons naturellement tendance à tester toutes les idées qui nous viennent à l’esprit dans la précipitation. Il choisit pour thème : « Comment aider les survivants d’un crash d’avion à sortir du désert ? » La thématique est ludique et immersive, mais les élèves risquent de ne pas percevoir l’intérêt du cours au-delà du jeu. Vers la fin de la séquence, l’enseignant fait ressortir les messages clés de manière généralisable et plus abstraite. Par exemple, les outils suivants : décomposer le problème en sous-problèmes ; hiérarchiser les priorités. Il montre ensuite un court extrait du film Apollo 13 dans lequel des ingénieurs sont confrontés à un problème de géométrie. Puis, Il invite les élèves à repérer les analogies avec le problème du désert. Enfin, il leur demande de repérer des situations dans leur vie quotidienne où ils font face à la résolution de problème. La gestion des contrôles et des devoirs à rendre est évoquée, et les élèvent cherchent une nouvelle fois en quoi les outils vus en classe peuvent être transférés.