Depuis quand connaît-on la forme de la Terre ? Comment l’a-t-on déterminée ? Que répondre aux tenants de la Terre plate ? Comment combattre les idées fausses sur les phases de la Lune, les saisons, l’impesanteur… ? Des croyances anciennes perdurent sur l’astrologie ou les influences de la Lune, sont-elles justifiées ? A-t-on vraiment des preuves que les Américains sont allés sur la Lune ?
Voici quelques questions auxquelles le Dossier spécial “Croyances et idées fausses en astronomie” (hors série des bulletins les Cahiers Clairaut) cherche à répondre, en proposant des activités pour la classe.
Après avoir découvert ses contenus, nous avons voulu interviewer Jean-Luc Fouquet et Pierre Causeret, membres du CLEA Comité de Liaison Enseignants et Astronomes et anciens enseignants, coordinateurs de ce Hors série.
Nous leur avons en outre demandé de nous aider à composer des parcours pédagogiques autour de l’astronomie à l’école et de l’esprit critique, en puisant dans les nombreuses activités pédagogiques présentes dans ce riche et stimulant Hors série.
Vous trouverez donc ici de suite l’interview que nous avons réalisée et le lien vers un Dossier Astronomie et esprit critique. Le Dossier comprend deux séquences thématiques d’activités que vous pourrez réaliser en classe.
- La Terre et la Lune (Cycles 2, 3, 4 et Lycée)
- Nous et les astres (Collège-Lycée)

1. Quelles raisons vous ont poussés à envisager ce numéro spécial ?
Jean-Luc Fouquet : Elles sont multiples et sont à rechercher depuis une dizaine d’années dans mes occupations de professeur de sciences physiques et, en parallèle, de responsable du Service éducatif du Muséum de La Rochelle :
Les élèves et les réseaux sociaux : Au cours de discussions avec d’autres professeurs ou avec des médiateurs scientifiques, nous avons fait le constat que de plus en plus d’élèves, de l’école au lycée, interviennent avec une certaine véhémence pendant les exposés ou les visites pour affirmer des points de vue trop souvent erronés mais dont ils ont beaucoup de difficultés à se défaire.
Les conceptions initiales des élèves : Mes interventions depuis de nombreuses années dans les classes de primaire et de collège comme correspondant du Muséum pour présenter des activités en lien avec l’astronomie pendant plusieurs semaines m’ont poussé à travailler sur les conceptions initiales. Pour gagner du temps et mieux orienter les thèmes à étudier avec ces élèves, je leur proposais de faire un dessin explicatif sur les thèmes des saisons, du jour et de la nuit ou des phases de Lune. Les comparaisons de ces représentations avec des milliers de dessins déjà recueillis m’ont permis de détecter des erreurs de conception parfois étonnantes.

Éducation des élèves à la lecture des médias et des images : Demander aux élèves de critiquer des images erronées (médias, pubs, journaux, vignettes de BD) leur permet de tester leurs connaissances et de changer éventuellement de point de vue s’ils étaient engagés dans de mauvaises interprétations. On peut travailler à l’école ou au collège sur des problèmes de mécanique ou d’optique à partir des albums de Tintin ou sur les illustrations de certains romans de Jules Verne. Nous avons aussi au CLEA l’habitude de fabriquer de fausses images pour habituer les élèves à les critiquer, par jeu en groupes, par exemple à propos des phases de la Lune.
Comment pousser les élèves à réfléchir par eux-mêmes ? Face aux trop nombreux sujets maltraités dans les réseaux sociaux, la trentaine d’auteurs de ce hors-série ont essayé de rester sur l’idée de proposer aux élèves sur chaque thème un raisonnement scientifique s’appuyant sur de nombreuses activités pratiques ne demandant que des maquettes, du matériel simple ou un travail sur des photos de la Terre ou du ciel.
2. Comment l’éducation aux sciences peut-elle contribuer à développer l’esprit critique des élèves ?
Pierre Causeret : Quand on parle de science à l’école, on peut avoir tendance à ne faire que présenter les résultats de recherches scientifiques : la Terre est ronde, son rayon est de 6370 km… Or, ce qui est le plus intéressant, c’est de faire de la science, c’est-à-dire de se poser des questions et tenter d’y répondre. À partir du moment où l’on cherche quelles sont les différentes réponses possibles à une question, quelles sont les solutions qui conviennent et celles qui ne conviennent pas, par des observations ou des expériences, on exerce son esprit critique.

3. D’où viennent les idées fausses en astronomie ?
Jean-Luc Fouquet : L’astronomie est peu abordée dans les programmes scolaires, que ce soit à l’école, au collège ou au lycée.
Les professeurs des écoles n’ont pas souvent la formation scientifique pour aborder ces thèmes. Des idées fausses naissent à partir de lecture de textes ayant plus ou moins le respect de la vérité scientifique ou à partir de contes mythologiques. Ces questions ne sont pas toujours reprises en classe par petits groupes avec des animations ou des maquettes, ou au dehors dans la cour de l’école ou dans la nature (jardins et saisons, observations de la Lune et des ombres, du ciel nocturne).
Plus tard, au collège et surtout au lycée, les sujets d’astronomie sont repris avec un plus grand formalisme et le contexte historique des découvertes est souvent négligé. Les fausses conceptions acquises à l’école par certains élèves ne peuvent pas toujours être confrontées aux nouvelles connaissances présentées trop rapidement dans un programme chargé qui ne permet pas assez l’expression individuelle de ces idées erronées.
4. Le fait de traiter ces idées fausses peut constituer un point de départ pour mieux faire comprendre la démarche de la science et les méthodes rigoureuses de construction des connaissances, mais peut aussi amener à mettre en place des petites (ou grandes) investigations en classe. Pouvez-vous donner un exemple ?
Pierre Causeret : Prenons l’exemple des phases de la Lune, une activité riche et accessible dès l’école primaire. Pourquoi la Lune change-t-elle de forme ? La première étape, indispensable, est d’observer la Lune sur un ou deux mois et de noter le résultat de ses observations. Il est également important de recueillir les conceptions des élèves sur cette question, et on obtient inévitablement des réponses erronées comme « la Terre fait de l’ombre à la Lune ». On essaie ensuite de chercher un modèle qui permette d’expliquer les observations. Avec une source de lumière et des boules en polystyrène, l’une représentant la Terre et l’autre la Lune, on peut essayer de reproduire les phases observées en projetant l’ombre de la Terre sur la Lune.
On s’aperçoit que ce n’est pas possible, on ne peut pas obtenir une Lune en quartier ou une Lune gibbeuse. On invalide ce modèle par l’expérimentation, ce qui est beaucoup plus productif que de dire « C’est faux ».
On peut ensuite arriver à une modélisation qui fonctionne en modifiant simplement la position de la Lune par rapport à la source de lumière, il suffit de faire tourner la Lune autour de l’observateur.
5. Est-ce que l’astronomie touche à des questions de société ou fait l’objet d’idées reçues qui ont du mal à être dépassées ? (ex. astronomie-astrologie, une longue histoire…)
Jean-Luc Fouquet : L’astrologie est une pseudo-science à l’aspect de rigueur scientifique et il est vraiment difficile d’essayer d’opposer quelques arguments d’astronomie aux croyances de ses adeptes. Les horoscopes sont de plus en plus à la mode dans une société de plus en plus individualiste. Il arrive que l’on puisse glisser dans la tête des gens qui y croient un petit doute en leur exposant, en prenant suffisamment le temps, la manière dont s’est construit très progressivement le zodiaque sur plus de 2000 ans d’histoire, en décrivant l’apport des différentes civilisations.
6. Pourquoi en parler en classe ou en faire l’objet d’activités pédagogiques ? Qu’est-ce que cela apporte aux élèves ?
Pierre Causeret : Un des buts de l’enseignement est de faire de nos élèves de futurs citoyens. En développant leur esprit critique, ils seront mieux armés pour répondre aux questions auxquelles ils seront confrontés tout au long de leur vie. On peut espérer qu’ils seront moins tentés de suivre les adeptes d’infox, les complotistes ou les gourous de toutes sortes. Mais peut-être n’est-ce qu’un vœu pieux…
7. Y a-t-il des connaissances en astronomie qui font l’objet de contestation ?
Jean-Luc Fouquet : Plus que celle des « platistes », la théorie conspirationniste la plus fréquente rencontrée pendant les conférences avec les adultes ou plus rarement avec les adolescents est dans cette croyance que l’homme n’a jamais posé le pied sur la Lune, que les images et les films envoyés par Apollo XI sont truqués et tournés en studio. Les arguments pour essayer de rétablir la vérité sont explicités dans le hors-série : le retour des roches lunaires, l’observation des vestiges des vols Apollo, la description des instruments de mesure laissés là-haut (réflecteur, sismographes). Mais il sera toujours bien difficile de faire vaciller les certitudes de ces adeptes de cette fausse théorie qui trouvent sur la toile une multitude de détails entassés et formant un mur infranchissable !
8. En quoi le traitement de ces questions en classe permet-il de faire pratiquer à l’élève de la “vraie science” ?
Pierre Causeret : Je donnerais ici un autre exemple. Vous avez tous déjà observé un lever de Lune, en particulier de pleine Lune. Celle-ci apparaît énorme. Mais est-ce juste une impression ou y a-t-il un phénomène physique permettant de l’expliquer ? On peut répondre à la question en trouvant des méthodes de mesure, soit à l’œil nu, soit en photographiant le phénomène. Et, surprise, on s’aperçoit qu’une Lune qui se lève n’est pas plus grosse qu’une Lune située haut dans le ciel. Cela permet de comprendre que, lorsque l’on étudie un phénomène, il ne faut pas se contenter d’impressions, nos sens peuvent nous tromper.
On pourrait encore citer l’exemple du nombre de naissances qui serait plus important à la pleine Lune. Certaines sages-femmes pourront vous dire qu’elles ont l’impression que c’est vrai. Comment le vérifier ? Il est possible de faire des statistiques sur le sujet avec des élèves et, si on prend un effectif suffisant, on s’aperçoit alors que le nombre de naissances ne dépend pas de la phase lunaire. Toutes les statistiques vont dans le même sens. Là encore, nos impressions peuvent nous tromper, il existe de nombreux biais cognitifs comme ici le biais de confirmation.
Se poser des questions, observer, expérimenter, confronter ses hypothèses, tout cela permet de faire vraiment de la science…
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