Astronomie et esprit critique

Depuis quand connaît-on la forme de la Terre ? Comment l’a-t-on déterminée ? Que répondre aux tenants de la Terre plate ? Comment combattre les idées fausses sur les phases de la Lune, les saisons, l’impesanteur… ? Des croyances anciennes perdurent sur l’astrologie ou les influences de la Lune, sont-elles justifiées ? A-t-on vraiment des preuves que les Américains sont allés sur la Lune ?

Voici quelques questions auxquelles le Dossier spécial Croyances et idées fausses en astronomie(hors série des bulletins les Cahiers Clairaut) cherche à répondre, en proposant des activités pour la classe.

Après avoir découvert ses contenus, nous avons voulu interviewer Jean-Luc Fouquet et Pierre Causeret, membres du CLEA Comité de Liaison Enseignants et Astronomes et anciens enseignants, coordinateurs de ce Hors série.

Nous leur avons en outre demandé de nous aider à composer des parcours pédagogiques autour de l’astronomie à l’école et de l’esprit critique, en puisant dans les nombreuses activités pédagogiques présentes dans ce riche et stimulant Hors série. 

Vous trouverez donc ici de suite l’interview que nous avons réalisée et le lien vers un Dossier Astronomie et esprit critique. Le Dossier comprend deux séquences thématiques d’activités que vous pourrez réaliser en classe. 

  1. La Terre et la Lune (Cycles 2, 3, 4 et Lycée)
  2. Nous et les astres (Collège-Lycée)

1. Quelles raisons vous ont poussés à envisager ce numéro spécial ?

Jean-Luc Fouquet : Elles sont multiples et sont à rechercher depuis une dizaine d’années dans mes occupations de professeur de sciences physiques et, en parallèle, de responsable du Service éducatif du Muséum de La Rochelle :

Les élèves et les réseaux sociaux : Au cours de discussions avec d’autres professeurs ou avec des médiateurs scientifiques, nous avons fait le constat que de plus en plus d’élèves, de l’école au lycée, interviennent avec une certaine véhémence pendant les exposés ou les visites pour affirmer des points de vue trop souvent erronés mais dont ils ont beaucoup de difficultés à se défaire.

Les conceptions initiales des élèves : Mes interventions depuis de nombreuses années dans les classes de primaire et de collège comme correspondant du Muséum pour présenter des activités en lien avec l’astronomie pendant plusieurs semaines m’ont poussé à travailler sur les conceptions initiales. Pour gagner du temps et mieux orienter les thèmes à étudier avec ces élèves, je leur proposais de faire un dessin explicatif sur les thèmes des saisons, du jour et de la nuit ou des phases de Lune. Les comparaisons de ces représentations avec des milliers de dessins déjà recueillis m’ont permis de détecter des erreurs de conception parfois étonnantes.

Éducation des élèves à la lecture des médias et des images : Demander aux élèves de critiquer des images erronées (médias, pubs, journaux, vignettes de BD) leur permet de tester leurs connaissances et de changer éventuellement de point de vue s’ils étaient engagés dans de mauvaises interprétations. On peut travailler à l’école ou au collège sur des problèmes de mécanique ou d’optique à partir des albums de Tintin ou sur les illustrations de certains romans de Jules Verne. Nous avons aussi au CLEA l’habitude de fabriquer de fausses images pour habituer les élèves à les critiquer, par jeu en groupes, par exemple à propos des phases de la Lune.

Comment pousser les élèves à réfléchir par eux-mêmes ? Face aux trop nombreux sujets maltraités dans les réseaux sociaux, la trentaine d’auteurs de ce hors-série ont essayé de rester sur l’idée de proposer aux élèves sur chaque thème un raisonnement scientifique s’appuyant sur de nombreuses activités pratiques ne demandant que des maquettes, du matériel simple ou un travail sur des photos de la Terre ou du ciel.

2. Comment l’éducation aux sciences peut-elle contribuer à développer l’esprit critique des élèves ?

Pierre Causeret : Quand on parle de science à l’école, on peut avoir tendance à ne faire que présenter les résultats de recherches scientifiques : la Terre est ronde, son rayon est de 6370 km… Or, ce qui est le plus intéressant, c’est de faire de la science, c’est-à-dire de se poser des questions et tenter d’y répondre. À partir du moment où l’on cherche quelles sont les différentes réponses possibles à une question, quelles sont les solutions qui conviennent et celles qui ne conviennent pas, par des observations ou des expériences, on exerce son esprit critique.

Raphael Javaux, CC BY-SA 3.0 https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0, via Wikimedia Commons

3. D’où viennent les idées fausses en astronomie ?

Jean-Luc Fouquet : L’astronomie est peu abordée dans les programmes scolaires, que ce soit à l’école, au collège ou au lycée. 

Les professeurs des écoles n’ont pas souvent la formation scientifique pour aborder ces thèmes. Des idées fausses naissent à partir de lecture de textes ayant plus ou moins le respect de la vérité scientifique ou à partir de contes mythologiques. Ces questions ne sont pas toujours reprises en classe par petits groupes avec des animations ou des maquettes, ou au dehors dans la cour de l’école ou dans la nature (jardins et saisons, observations de la Lune et des ombres, du ciel nocturne). 

Plus tard, au collège et surtout au lycée, les sujets d’astronomie sont repris avec un plus grand formalisme et le contexte historique des découvertes est souvent négligé. Les fausses conceptions acquises à l’école par certains élèves ne peuvent pas toujours être confrontées aux nouvelles connaissances présentées trop rapidement dans un programme chargé qui ne permet pas assez l’expression individuelle de ces idées erronées.

4. Le fait de traiter ces idées fausses peut constituer un point de départ pour mieux faire comprendre la démarche de la science et les méthodes rigoureuses de construction des connaissances, mais peut aussi amener à mettre en place des petites (ou grandes) investigations en classe. Pouvez-vous donner un exemple ?

Pierre Causeret : Prenons l’exemple des phases de la Lune, une activité riche et accessible dès l’école primaire. Pourquoi la Lune change-t-elle de forme ? La première étape, indispensable, est d’observer la Lune sur un ou deux mois et de noter le résultat de ses observations. Il est également important de recueillir les conceptions des élèves sur cette question, et on obtient inévitablement des réponses erronées comme « la Terre fait de l’ombre à la Lune ». On essaie ensuite de chercher un modèle qui permette d’expliquer les observations. Avec une source de lumière et des boules en polystyrène, l’une représentant la Terre et l’autre la Lune, on peut essayer de reproduire les phases observées en projetant l’ombre de la Terre sur la Lune. 

On s’aperçoit que ce n’est pas possible, on ne peut pas obtenir une Lune en quartier ou une Lune gibbeuse. On invalide ce modèle par l’expérimentation, ce qui est beaucoup plus productif que de dire « C’est faux ». 

On peut ensuite arriver à une modélisation qui fonctionne en modifiant simplement la position de la Lune par rapport à la source de lumière, il suffit de faire tourner la Lune autour de l’observateur. 

5. Est-ce que l’astronomie touche à des questions de société ou fait l’objet d’idées reçues qui ont du mal à être dépassées ? (ex. astronomie-astrologie, une longue histoire…)

Jean-Luc Fouquet : L’astrologie est une pseudo-science à l’aspect de rigueur scientifique et il est vraiment difficile d’essayer d’opposer quelques arguments d’astronomie aux croyances de ses adeptes. Les horoscopes sont de plus en plus à la mode dans une société de plus en plus individualiste. Il arrive que l’on puisse glisser dans la tête des gens qui y croient un petit doute en leur exposant, en prenant suffisamment le temps, la manière dont s’est construit très progressivement le zodiaque sur plus de 2000 ans d’histoire, en décrivant l’apport des différentes civilisations.

6. Pourquoi en parler en classe ou en faire l’objet d’activités pédagogiques ? Qu’est-ce que cela apporte aux élèves ?

Pierre Causeret : Un des buts de l’enseignement est de faire de nos élèves de futurs citoyens. En développant leur esprit critique, ils seront mieux armés pour répondre aux questions auxquelles ils seront confrontés tout au long de leur vie. On peut espérer qu’ils seront moins tentés de suivre les adeptes d’infox, les complotistes ou les gourous de toutes sortes. Mais peut-être n’est-ce qu’un vœu pieux…

7. Y a-t-il des connaissances en astronomie qui font l’objet de contestation ?

Jean-Luc Fouquet : Plus que celle des « platistes », la théorie conspirationniste la plus fréquente rencontrée pendant les conférences avec les adultes ou plus rarement avec les adolescents est dans cette croyance que l’homme n’a jamais posé le pied sur la Lune, que les images et les films envoyés par Apollo XI sont truqués et tournés en studio. Les arguments pour essayer de rétablir la vérité sont explicités dans le hors-série : le retour des roches lunaires, l’observation des vestiges des vols Apollo, la description des instruments de mesure laissés là-haut (réflecteur, sismographes). Mais il sera toujours bien difficile de faire vaciller les certitudes de ces adeptes de cette fausse théorie qui trouvent sur la toile une multitude de détails entassés et formant un mur infranchissable !

8. En quoi le traitement de ces questions en classe permet-il de faire pratiquer à l’élève de la “vraie science” ?

Pierre Causeret : Je donnerais ici un autre exemple. Vous avez tous déjà observé un lever de Lune, en particulier de pleine Lune. Celle-ci apparaît énorme. Mais est-ce juste une impression ou y a-t-il un phénomène physique permettant de l’expliquer ? On peut répondre à la question en trouvant des méthodes de mesure, soit à l’œil nu, soit en photographiant le phénomène. Et, surprise, on s’aperçoit qu’une Lune qui se lève n’est pas plus grosse qu’une Lune située haut dans le ciel. Cela permet de comprendre que, lorsque l’on étudie un phénomène, il ne faut pas se contenter d’impressions, nos sens peuvent nous tromper. 

On pourrait encore citer l’exemple du nombre de naissances qui serait plus important à la pleine Lune. Certaines sages-femmes pourront vous dire qu’elles ont l’impression que c’est vrai. Comment le vérifier ? Il est possible de faire des statistiques sur le sujet avec des élèves et, si on prend un effectif suffisant, on s’aperçoit alors que le nombre de naissances ne dépend pas de la phase lunaire. Toutes les statistiques vont dans le même sens. Là encore, nos impressions peuvent nous tromper, il existe de nombreux biais cognitifs comme ici le biais de confirmation. 

Se poser des questions, observer, expérimenter, confronter ses hypothèses, tout cela permet de faire vraiment de la science…



Pour aller plus loin…

Visionner les vidéos “Billes de sciences” dédiées à l’astronomie, par Sébastien Carassou et produites par la Fondation La main à la pâte : Le système solaire – Le Soleil et nous – Les phases de la Lune 

Le décodex

LECTURE / VIDÉO

Qu’est-ce que le Décodex ? “Le Décodex est un outil pour vous aider à vérifier les informations qui circulent sur Internet et dénicher les rumeurs, exagérations ou déformations.”

Mis à disposition par l’équipe des Décodeurs du journal Le Monde (une équipe de journalistes collaborent aussi avec Facebook, et publient maintenant également des vidéos de décryptage de l’information sur Youtube), le Décodex permet de vérifier la justesse d’une information en insérant une adresse web et de savoir si elle est plutôt fiable, ou pas.

Mais le même site met aussi à disposition un vadémécum permettant de s’auto-éduquer ou d’éduquer les autres à mieux vérifier ses informations, notamment en las croisant.

Pour vous guider dans vos recherches, vous pourrez donc exploiter les documents suivants, très utiles !


Pour aller plus loin…

L’art de faire confiance. Pour un nouveau contrat entre la science et les citoyens

LECTURE

Enseigner les sciences, c’est faire découvrir les merveilles de notre univers : des étoiles aux oiseaux, du big bang à l’information génétique. Mais en réalité, comprendre les sciences nous apprend bien plus encore. A une ère où l’information circule de plus en plus vite, chaque citoyen doit être capable de trier le vrai du faux, reconnaître la connaissance éclairée de la rumeur et prendre, pour lui-même et pour la société, des décisions fondées. Le défi est de taille. Fort heureusement, enfants comme adultes, nous sommes pourvus naturellement d’une aptitude à rechercher des sources dignes de confiance et à distinguer le plausible de l’invraisemblable. Cependant, les questions de société ont de quoi dérouter : épidémies, dérèglement climatique, environnement… tous ces sujets complexes mettent à mal nos outils naturels de raisonnement. Faire confiance devient un art particulièrement difficile… Établir un nouveau contrat de confiance entre la science et la société est devenu un enjeu majeur aujourd’hui.

Enseigner les sciences ne peut se réduire à présenter la connaissance scientifique. En tant que futurs citoyens, les élèves doivent comprendre comment accorder de manière légitime et éclairée leur confiance envers un certain type d’informations. Ils doivent ainsi découvrir, en même temps que les objets qu’étudie la science, les outils et les stratégies que cette dernière met en oeuvre pour donner des garanties de fiabilité dans les conclusions qu’elle produit. Cet ouvrage vous permettra d’accompagner vos élèves – et vous-mêmes – dans cette compréhension.

C’est là tout l’enjeu de l’ouvrage L’art de faire confiance, d’Elena Pasquinelli et de Mathieu Farina. Les auteurs vous embarquent dans un voyage pour découvrir de l’intérieur cet univers passionnant mais d’apparence hermétique. Ils vous ouvrent les portes de grands laboratoires scientifiques et vous invitent à rencontrer ceux qui, aujourd’hui, produisent la connaissance sur laquelle la société s’appuie. Ainsi, vous suivrez, des forêts de montagne au laboratoire de génétique les écologues qui pistent les loups ; vous vivrez les moments de doute et de joie des physiciens du CERN qui percent les secrets de la matière ; vous irez à la rencontre des experts du GIEC qui rédigent les rapports sur le dérèglement climatique ; enfin, vous déambulerez dans les couloirs de l’Institut Pasteur et suivrez les étapes et les enjeux de la production des vaccins. Suivez les guides !

Sur la trace des loups

Le premier chapitre nous amène dans les forêts des Alpes italiennes, à la rencontre de Francesca Marucco, spécialiste du loup qui nous conduit sur ses traces. Notre attention sera portée sur les limites de nos intuitions naturelles, et les outils développés par la science pour rendre plus solides ses inférences.

Sur le terrain, impossible de conclure avec suffisamment de confiance sur la présence ou non du loup. Les échantillons sont envoyés dans un laboratoire d’analyse génétique, où les outils moléculaires remplacent l’œil pour parvenir à une identification fiable. C’est Guillaume Queney, le directeur d’Antagene, qui nous sert de guide.

Les données ainsi récoltées vont alimenter les modèles que des bio-informaticiens conçoivent et exploitent pour parvenir à décrire l’évolution de la population d’un animal discret et difficile à voir. La notion de modèle est fondamentale en science comme nous le présente Olivier Gimenez et toute son équipe du CEFE à Montpellier. Le modèle est une représentation simplifiée de la réalité, comme celle que nous élaborons intuitivement. Mais le modèle s’appuie sur des connaissances éprouvées et permet de faire des prédictions qui serviront in fine à l’améliorer. Les scientifiques ont des intuitions, comme chacun d’entre nous. Mais en s’appuyant sur des connaissances et des outils, les intuitions qu’ils forgent sont plus fondées et mènent progressivement à une connaissance fiable.

La chasse aux particules élémentaires

Le second chapitre nous conduit vers le plus grand laboratoire du monde : le CERN, véritable cité scientifique dédié à la mise au test d’hypothèses issues de la physique théorique sur les secrets de la matière. C’est ici qu’a été mis en évidence de manière expérimentale le boson de Higgs, une particule dont l’existence avait été prédite 50 ans plus tôt. Une véritable prouesse scientifique, couronnée par le prix Nobel.

Au sein du LHC, ce sont les détecteurs comme Atlas qui enregistrent non pas le boson lui-même, mais les traces que laissent les particules en lesquelles il se désintègre. Un travail d’une minutie inouïe. Pour découvrir Atlas, direction la “caverne”, un temple sous-terre de technologie haut de 44 mètres et lourd de 7000 tonnes. On suit Benedetto Gorini, notre guide.

Mais la science, ce ne sont pas que des victoires. Que se passe-t-il quand la mise à l’épreuve des hypothèses révèle que celles-ci sont erronées ? Qu’il nous est difficile, dans nos vies personnelles, de chercher à vérifier ses intuitions et d’admettre, le cas échéant, que nous avons eu tort ! Les scientifiques s’en sortent-ils mieux que nous ? La suite du chapitre se déroule en la présence du physicien Marco Delmastro. Autour d’un café puis dans son bureau, Marco nous raconte la quête épique d’une “bosse”, un signal sur le point de révolutionner la physique. Un signal qui se révélera être le simple fruit du hasard. Le récit de Marco est passionnant, bouleversant. Accompagnez-le, étapes par étapes, jusqu’à la révélation finale. Et découvrez comment le monde de la science veille, par son organisation, à lutter contre une tendance naturelle : l’envie de confirmer ses idées, même lorsque tout indique qu’elles sont fausses.

A la recherche de preuves sur le climat

Il est un sujet de science qui fait particulièrement l’actualité : le dérèglement climatique. Cette thématique quitte le cadre des laboratoires pour s’inviter dans nos vies : décideurs et citoyens sont invités à s’emparer d’une connaissance scientifique pour prendre des décisions et modifier nos comportements. Parfois cependant, tout se bouscule : au nom d’une liberté d’opinion, certains pensent pouvoir exprimer leur point de vue sur les causes de la fonte d’un glacier ou des températures enregistrées à un moment donné. De manière involontaire parfois, délibérée d’autre fois, certains surfent sur notre compréhension limitée du fonctionnement de la science et parviennent à semer le doute sur les connaissances établies par la communauté scientifique.

Le point de départ du chapitre nous amène au chevet du plus grand glacier de France situé près de Chamonix : la mer de glace. Sur place, son recul est saisissant. Mais comment relier cette observation à la théorie générale du dérèglement climatique d’origine anthropique ? Du fait des enjeu considérables pour nos sociétés, les sciences du climat se sont dotés d’un outil particulier : une communauté d’experts du monde entier – le GIEC – qui collaborent pour évaluer l’ensemble de la connaissance produite et rédiger des rapports qui résument l’état de cette connaissance à un instant donné. Valérie Masson-Delmotte, directrice de recherche au CEA et co-présidente du groupe 1 du GIEC et Eric Guilyardi également directeur de recherche et ex-membre du GIEC, nous accompagnent dans notre réflexion : comment parvient-on, en science, à se mettre d’accord quand les avis divergent ? Comment concevoir que la science n’est ni un dogme, ni une somme de connaissances que chacun peut remettre en question ? Comment communiquer au grand public les notions d’incertitude et de confiance ?

Enquête autour des vaccins

Ce dernier chapitre est l’occasion de pénétrer dans un domaine qui, plus que tout autre, suscite la méfiance du grand public : celui de la santé. Le sujet des vaccins cristallise beaucoup de tension. Pour le grand public, il est difficile de comprendre si ses intérêts personnels sont vraiment pris en considération, alors que décideurs politiques et grandes industries semblent imposer à tous leurs positions. Plus que jamais, l’art de faire confiance est un art difficile.

Suivez-nous dans un laboratoire particulièrement symbolique : l’Institut Pasteur à Paris. Venez rencontrer un personnage haut en couleurs : Frédéric Tangy, directeur de l’unité de génomique virale et de vaccinologie, au cœur de la lutte contre les grandes épidémies. Il nous fera visiter les locaux et comprendre les enjeux de la vaccination. Puis nous pousserons la réflexion plus loin en cherchant à démêler ce qui, dans nos craintes et nos doutes est fondé et ce qui ne l’est pas. La méfiance est une arme précieuse, qui doit nous guider mais peut nous menacer si elle n’est pas utilisée à bon escient.

Messages à emporter

Un esprit critique outillé nous guidera vers les informations les plus fiables et les décisions les plus justes. Nous sommes naturellement dotés de tels outils, mais ils présentent des limites dans le cadre de problématiques de société complexes, et d’un monde de l’information en perpétuelle évolution.

Comprendre l’univers de la science est salutaire à plus d’un titre. La science n’est pas qu’une somme de savoirs, c’est aussi une boîte à outils qui guide la production de la connaissance de manière à éviter, autant que possible, une série de tendances naturelles et de biais qui peuvent entraver cette tâche. En comprenant mieux la science, on peut acquérir de tels outils et ainsi mieux raisonner.

Surtout, il est impossible à chacun d’entre nous de maîtriser l’ensemble des savoirs disponibles. En tant que citoyens, nous devons faire confiance. Mais comment le faire à bon escient ? Et doit-on légitimement accorder notre confiance à la science qui reconnaît ses limites et parfois même ses erreurs ? Découvrir les rouages de la science et sa dimension humaine nous permet en réalité de mieux accepter ses limites, et de plus facilement lui accorder notre confiance. Une confiance éclairée, fondée sur la sensation qu’elle est la meilleure voie d’accès à un savoir fiable. A condition qu’elle poursuive sa volonté de transparence et de pédagogie à l’égard du reste de la société, toujours plus désireux d’être associé au processus de réflexion et de décision.


Pour aller plus loin…

Fables scientifiques

LECTURE

Cunningham C. (2012). Fables scientifiques. Editions Ca et la.

Dans ses Fables scientifiques, Darryl Cunningham déconstruit  minutieusement certains des mythes et théories  pseudoscientifiques propagés par des conspirationnistes, souvent relayés par des journalistes peu scrupuleux qui  sacrifient la fiabilité de l’information au nom du sensationnel. Il décode les controverses qui ont façonné certains des thèmes  les plus âprement débattus de ces dernières années, du  changement climatique à la conquête de la Lune en passant  par le vaccin ROR ou la chiropraxie, et s’attache à fustiger  toute forme de négation de la science. Etayées par des recherches approfondies et de nombreuses sources, élaborées  avec un brin de malice et un grand sens de la vulgarisation, les  Fables Scientifiques nous éclairent sur des questions  complexes et livrent un vibrant plaidoyer en faveur de la  science. (Note de l’éditeur)

Darryl Cunningham est un écrivain britannique et auteur de bande dessinée.


Pour aller plus loin…

Une vérité authentique et provisoire. Par Pierre Léna

LECTURE

« Lorsqu’on enseigne les sciences de la nature – laissant ici de côté les mathématiques – ou simplement qu’on en parle, on est souvent confronté à la question de la vérité. Il arrive qu’un péremptoire « c’est scientifique, donc c’est vrai », ferme le dialogue et condamne l’interrogation. Il arrive aussi que la fluctuation des énoncés de la science au cours des âges laisse une impression de variation permanente, qui ferait de chaque énoncé une vérité tellement relative qu’elle en serait sans valeur. Il arrive encore que l’on croie, ou veuille faire croire, qu’en dehors d’une démonstration à caractère scientifique, rien ne puisse approcher la vérité. Y a-t-il une position juste entre ces extrêmes ? Juste parce que féconde dans l’ordre de la science sans être réductrice dans l’ordre de la vie ? 

Juste parce qu’instructive sur les rapports possibles que l’esprit humain peut entretenir avec le monde ? Une position qui permettrait à chacun d’user avec profit de sa raison, donc de mieux vivre, sans mutiler pourtant aucune des autres dimensions de sa personne, ni son rapport aux autres ? »

  • Lire tout l’article (PDF)

Texte de Pierre Léna publié dans Page des libraires, Education, 1998, pp. 36-38. Pierre Léna est astrophysicien. Il est l’un des protagonistes de la naissance de l’astronomie tournée vers l’observation du Soleil et a participé au développement de nombreux instrumetns et techniques d’observation.


Pour aller plus loin…

Esprit critique es-tu là ?

LECTURE

Collectif CORTECS (2013). Esprit critique es-tu là ? Books-e-books.

«Un outillage critique est nécessaire aussi bien pour analyser l’information ou distinguer les contenus scientifiques de contenus pseudoscientifiques que pour trier les thérapies, déceler les mensonges à visée commerciale ou de propagande, ou prévenir l’intrusion dans la méthode scientifique d’idéologies comme le racisme, le créationnisme ou l’Intelligent Design…L’outillage présenté par ce livret sera utile à l’étudiant, à l’enseignant ou au chercheur, mais aussi à tous ceux qui souhaitent pouvoir se faire des opinions en toute connaissance de cause en se méfiant des mésusages médiatiques de la science. Les « ateliers » d’esprit critique détaillés dans cet ouvrage ont été conçus et testés avec soin pour permettre de se frotter à l’analyse critique de façon concrète et amusante, mais aussi réellement constructive, en utilisant des supports ludiques, simples et motivants.
Faire une expérience pour arrêter son cœur ou une lévitation en groupe, pratiquer la télékinésie et la torsion des métaux ou analyser des vidéos de fantômes, tester des pouvoirs extraordinaires ou d’autres phénomènes réputés «paranormaux» est en effet un excellent moyen pour mettre en œuvre la démarche scientifique, aiguiser son esprit critique et tenter ainsi de mieux comprendre le monde qui nous entoure.»Lien

Le CORTECS (Collectif de recherche transdisciplinaire esprit critique & sciences) est né en 2010 dans un triangle entre Grenoble, Marseille et Montpellier. Il a pour objectif central la transmission des divers aspects de l’esprit critique, la pensée critique ou sceptique (critical or skeptical thinking chez les anglophones), qu’on la nomme zététique, à la suite d’Henri Broch, hygiène préventive du jugement comme Jean Rostand, ou autodéfense intellectuelle à l’instar de Noam Chomsky. Conjointement, le collectif vise la mise en réseau de toutes les personnes étudiant ou travaillant sur un sujet relatif à l’élaboration, à l’usage ou à la diffusion de la pensée critique, quelle que soit leur origine disciplinaire et leur statut professionnel.


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